Canadian Coalition for Nuclear Responsibility |
![]() | Regroupement pour la surveillance du nucléaire |
La chaleur dont on a besoin est produite par le fractionnement, ou la
«fission», d'atomes d'uranium, ce qui libère de l'énergie
atomique. Cependant, les morceaux brisés des atomes d'uranium sont de
nouveaux matériaux, intensément radioactifs et hautement toxiques,
qu'on appelle les «produits de la fission».
Une catastrophe nucléaire est un accident qui entraîne le
relâchement d'une importante fraction de ces produits de fission dans
l'environnement. L'accident de Tchernobyl par exemple a relâché
environ 3 % (trois pour cent) des matériaux radioactifs du coeur du
réacteur dans l'environnement. En principe, un accident tout aussi
catastrophique peut survenir à tout réacteur nucléaire, y
compris Gentilly-2. Une telle catastrophe pourrait occasionner pour des dizaines de
milliards de dollars de dommages, à cause de la contamination des
édifices, du sol et des approvisionnements en eau. À cause de cela,
les compagnies d'assurance n'offrent aucune couverture à aucun de leurs
clients dans les cas de contamination radioactive provenant d'une catastrophe
nucléaire. Un tel accident pourrait également tuer des milliers de
personnes, à cause des effets biologiques à retardement des
radiations -- principalement des cancers et des malformations des foetus.
Gentilly-2, comme tous les réacteurs nucléaires, est
équipé d'un certain nombre de systèmes de
sécurité conçus pour éviter qu'il se produise des
accidents graves. Malgré tout, comme nous le savons tous, il y aura des
accidents -- et les pires accidents sont souvent ceux auxquels on ne s'attend pas du
tout. Ces dernières années, il y a eu un certain nombre de
problèmes de sécurité auxquels on ne s'attendait pas
à Gentilly-2, et tous ont nécessité de très
dispendieuses mesures correctives qui ont chacune coûté des millions
de dollars.
Pendant les 15 dernières années, il y a eu une forte augmentation
de la fréquence des pannes d'électricité
générales au Québec. Quand il y a une panne
générale prolongée, le réacteur Gentilly-2 doit
arrêter de fonctionner -- il ne peut pas continuer à fonctionner, parce
qu'il ne peut envoyer son électricité nulle part. Mais on ne peut pas
arrêter la production de chaleur dans le coeur du réacteur.
Même après qu'on ait arrêté le fonctionnement du
réacteur, il continue de se produire de la chaleur à peu près
à 7 % (sept pour cent) de la «capacité maximale»,
à cause de l'intense radioactivité des produits de fission. Sept pour
cent de 1 800 mégawatts c'est beaucoup de chaleur -- à peu
près 125 mégawatts! Si on n'enlève pas cette chaleur, le
coeur va fondre et il peut se produire une catastrophe.
Par conséquent, même pendant une panne générale,
Gentilly-2 doit avoir du courant électrique pour faire fonctionner les
énormes pompes qui font en sorte que la chaleur soit évacuée
du coeur du réacteur. C'est pourquoi il y a plusieurs
génératrices au diésel à Gentilly-2 qui peuvent
être mises en oeuvre pendant une situation d'urgence de façon
à donner suffisamment de courant électrique pour faire fonctionner
les pompes, la salle de contrôle, et d'autres équipements essentiels.
Mais ces génératrices d'urgence ne sont pas aussi fiables qu'on le
souhaiterait, et l'expérience de leur fonctionnement n'a pas toujours
été bonne.
Pour que la population soit adéquatement protégée, la
Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCÉA) a
exigé d'Hydro-Québec qu'il y ait un approvisionnement
électrique sécuritaire et fiable pour le réacteur Gentilly-2 dans
le cas qu'il se produise une panne généralisée qui se
prolongerait. Cette exigence de sécurité a constitué une des
raisons principales fournies par Hydro-Québec pour construire la centrale
à turbines à gaz (TAG) à Bécancour, à
l'intérieur de la zone d'exclusion du réacteur nucléaire
Gentilly-2. La centrale à turbines à gaz a coûté des
centaines de millions de dollars, et elle produit de l'électricité de
pointe à plus de 50 cents le kilowatt-heure. Gentilly-2 est le seul
réacteur au monde où on ait construit juste à
côté d'elle une autre usine de génération
d'électricité, utilisant des combustibles fossiles. Il n'est pas toujours
facile de s'assurer que les réacteurs nucléaires soient
sécuritaires!
Quand Gentilly-2 a été construit, personne n'a pensé
à la possibilité qu'un accident puisse tuer tout le monde dans la salle
de contrôle du réacteur nucléaire, ce qui pourrait mener
à un accident catastrophique. (Même si le réacteur est
arrêté, la chaleur doit toujours être enlevée du coeur
pour qu'il ne se produise pas une catastrophe -- et on ne peut pas garantir que
ça puisse se faire si les opérateurs sont morts.) Il y a quelques
années de cela, la CCÉA s'est rendue compte qu'une rupture
soudaine d'un des tuyaux de vapeur passant au-dessus du toît de la salle de
contrôle pourrait, en fait, tuer tout le monde à l'intérieur et
rendre la salle de contrôle inutilisable. De toute évidence, cette
improbable situation pourrait être très périlleuse pour toute la
population.
Au début, la CCÉA voulait qu'Hydro-Québec
relocalise les tuyaux de vapeur, mais Hydro-Québec considérait que
ce serait trop coûteux. À la place, ils ont offert de faire des
changements importants dans la conception interne du bâtiment, de
façon à minimiser les conséquences d'une rupture dans les
tuyaux de vapeur, et de continuellement surveiller avec précaution les
tuyaux, de façon à pouvoir détecter tout affaiblissement qui
pourrait (ou ne pourrait pas) se produire avant qu'une telle rupture survienne. On
travaille toujours à la réalisation de ces corrections. C'est une
question de jugement de considérer qu'elles soient adéquates pour
éliminer la possibilité d'un accident catastrophique qui serait
causé par la rupture d'un tuyau de vapeur.
Une des sortes d'accidents les plus dangereux qui puisse se produire dans tout
réacteur nucléaire, c'est un accident où il y a perte du
caloporteur (PERCA). Ça peut être occasionné par une cassure
d'un tuyau, ou une soupape qui demeure ouverte, et qui permet à l'eau qui
sert normalement à enlever la chaleur du coeur du réacteur de
s'échapper. Sans refroidissement adéquat, le coeur du
réacteur deviendra trop chaud et des produits de fission
s'échapperont du combustible endommagé, dont beaucoup seront
sous forme de gaz et de vapeurs radioactifs. Si ces matériaux
s'échappent en quantités suffisantes dans l'environnement, il
s'ensuivra une catastrophe nucléaire.
Tout réacteur CANDU a un système de refroidissement d'urgence de
son coeur (RUC) qui doit inonder le coeur du réacteur avec de l'eau
ordinaire advenant une PERCA, de manière à l'empêcher de
surchauffer. Quelquefois, pourtant, le système de refroidissement d'urgence
n'est pas disponible. La CCÉA permet que le système de
refroidissement d'urgence ne soit pas disponible pendant huit heures par
année, et dans certains cas il n'est pas disponible pendant des
périodes de temps beaucoup plus longues. Si un important PERCA se
produisait pendant une telle période, le coeur du réacteur pourrait
être gravement endommagé et il pourrait en résulter une
catastrophe nucléaire.
Le premier PERCA dans une centrale nucléaire canadienne s'est produit
à Pickering, juste à côté de Toronto, en 1983, quand un
tube de force (tube sous pression qui contient le combustible) s'est cassé sans
avertissement dans le coeur du réacteur. Quelques années
auparavant, des experts du nucléaire avaient soutenu qu'un tube de force ne
pouvait pas se rompre de façon soudaine, parce qu'il commencerait par y
avoir une fuite longtemps avant qu'il n'en vienne à casser, ce qui donnerait
suffisamment de temps aux opérateurs pour fermer le réacteur et
corriger la situation. Mais les experts avaient tort.
Heureusement, ça n'a pas été un gros PERCA, et on n'a pas eu
besoin du système de RUC pour empêcher la surchauffe du
combustible. Presque tout le combustible est demeuré intact et, par
conséquent, il n'y a pas eu beaucoup de radioactivité qui s'est
échappée. Pourtant, les réparations au coeur du
réacteur de Pickering ont duré quatre ans et ont coûté
plus de 500 millions de dollars. Il a fallu remplacer tous les tubes de force, du fait
que plusieurs d'entre eux montraient des signes d'une grave
détérioration, certains étant en train de former des
boursouflures. Si plusieurs tubes s'étaient brisés en même
temps, on aurait eu à s'occuper d'une situation beaucoup plus
préoccupante.
Tous les réacteurs CANDU ont des tubes de force, et ils se
détériorent tous avec le temps. Mais le coût pour remplacer
tous les tubes de force est si élevé qu'Ontario Hydro a
décidé de fermer certains de ses réacteurs de façon
permanente plutôt que de dépenser l'argent nécessaire
à leur réparation. À Gentilly-2, jusqu'à tout
récemment, Hydro-Québec songeait aussi remplacer tous les tubes de
force; mais maintenant, pour épargner de l'argent, ils ont
décidé d'essayer quelque chose de moins dispendieux -- de
réajuster les «ressorts de soutien» (en anglais, «garter
springs») qui entourent les tubes de force à l'intérieur du coeur
du réacteur, pour les empêcher de bomber et il est à souhaiter
qu'ils ne développent pas le même genre de soufflures qu'on a
constatées dans les tubes de force à Pickering. Cette façon de
faire n'arrête pas ou ne fait pas reculer la détérioration des
tubes de force, mais peut-être qu'elle la ralentira.
En décembre 1994, un deuxième PERCA s'est produit dans un
réacteur nucléaire canadien. Cette fois-ci, ce n'était pas un
tube de force, mais une soupape de relâchement de la pression qui s'est
brisée à Pickering. Le mélange surchauffé d'eau et de
vapeur s'échappant par cette soupape brisée, une puissante vibration
secoua tellement le tuyau qu'il s'est cassé, ce qui a entraîné un
grave PERCA qui a rendu indispensable -- pour la première fois de l'histoire
canadienne -- l'utilisation du système de RUC pour empêcher que le
combustible nucléaire soit endommagé. Dans le même sens, il
y a également eu des accidents impliquant des bris de soupapes dans un
réacteur CANDU en Corée du Sud, et -- en mai 1995 -- à un
des huit réacteurs de la centrale Bruce en Ontario. Dans ces cas-là, les
vibrations n'ont toutefois pas causé la cassure des tuyaux.
En juin 1995, la CCÉA a rendu publique son analyse de ces accidents.
Leurs conclusions étaient qu'un semblable accident pourrait survenir
n'importe quand à Gentilly-2, et que les vibrations qui en
résulteraient pourraient fort bien provoquer des cassures de tuyaux ou des
dommages à d'autres soupapes, tout ceci entraînant un grave PERCA.
Hydro-Québec n'a pas commenté la situation, et il se peut qu'elle ne
soit pas d'accord avec la CCÉA quant à la possibilité
qu'un tel accident se produise ou sur la nécessité d'entreprendre le
travail de refaire le concept du système de contrôle de la pression.
Si le combustible nucléaire est endommagé, de grandes
quantités de matériaux radioactifs peuvent s'échapper dans le
bâtiment du réacteur. Toutefois, le bâtiment du réacteur
est doté d'un système élaboré de confinement qui est
conçu pour prévenir le relâchement dans l'environnement de
la grande partie de ces matériaux. Si le système de confinement
fonctionne à la perfection, on peut alors éviter une catastrophe,
même si le coeur du réacteur fond, comme ça s'est produit
à Three Mile Island en 1979.
Mais le problème c'est que le système de confinement lui-
même n'est pas toujours disponible. Comme pour le système de
refroidissement d'urgence, il peut légalement ne pas être disponible
jusqu'à huit heures par année, et il peut quelquefois ne pas
être disponible pour des périodes de temps beaucoup plus longues.
À Gentilly-2, la non-disponibilité prévue du système
de confinement pour les dernières années a été
comme suit:
......1991..........31 heures...................1992..........32 heures
......1993..........34 heures...................1994..........29 heures
Comme l'a présenté la CCÉA dans son
Évaluation de l'exploitation de la centrale Gentilly-2 en 1994:
Les inconditionnels du nucléaire disent souvent que des accidents
nucléaires catastrophiques ne sont pas vraiment possibles. C'est ce qu'ils ont
dit au sujet de Three Mile Island avant l'accident de 1979. C'est ce qu'ils ont
dit au sujet de Tchernobyl avant l'accident de 1983. C'est ce qu'ils disent au sujet de
Gentilly-2 aujourd'hui.
Tout réacteur nucléaire contient un énorme inventaire
de poisons radioactifs qui sont créés à l'intérieur du
réacteur en tant que sous-produits normaux de son fonctionnement normal.
Si un petit pourcentage de ces matériaux s'échappe dans
l'environnement, c'est une catastrophe. À Tchernobyl, seulement 3 % (trois
pour cent) de l'ensemble de l'inventaire radioactif s'est échappé dans
l'environnement.
Il est exact de dire que de grandes précautions ont été
prises pour construire ces réacteurs de façon à ce que la
population soit protégée contre les catastrophes. Cependant,
malgré tout, la technologie n'est pas parfaite; et il survient des accidents.
En 1974, la Nuclear Regulatory Commission des États-Unis a
publié un rapport auquel on a donné le nom de Reactor Safety
Study (« Étude sur la sécurité des réacteurs
» ~ WASH-1400), par Norman Rasmussen du M I T. Ce rapport
étudiait la probabilité et les conséquences qu'auraient les
accidents catastrophiques de réacteurs nucléaires. Il n'y a jamais eu
d'étude comparable sur les réacteurs CANDU au Canada.
Après l'accident de Three Mile Island, le Président des
États-Unis a ordonné la mise en place d'une commission
d'enquête sur les causes de l'accident. Cette commission a découvert
qu'une des plus importantes contributions à l'avènement de
l'accident avait été cette croyance non-fondée des gens de
l'industrie nucléaire que les réacteurs sont sécuritaires. La
Commission a alors souligné que l'énergie nucléaire ne
devrait jamais être considérée comme une technologie
sécuritaire en soi, mais plutôt comme une technologie
fondamentalement dangereuse.
Voici quelques citations (traduites de l'anglais par le RSN) provenant de
documents gouvernementaux sur la possibilité d'accidents catastrophiques
dans un réacteur canadien CANDU comme celui de Gentilly-2:
1. Gentilly-2 et des autres réacteurs
nucléaires
Gentilly-2 est un réacteur nucléaire de 600 mégawatts qui
utilise de l'uranium naturel comme combustible. Pour en venir à
générer 600 mégawatts d'énergie électrique,
le coeur du réacteur doit produire 3 fois cette quantité
d'énergie sous forme de chaleur: c'est-à-dire 1 800
mégawatts de chaleur. La chaleur, qui est retirée du coeur du
réacteur par de l'eau lourde poussée par de puissantes pompes, sert
à faire bouillir de l'eau ordinaire, et la vapeur qui en résulte fait
tourner les hélices d'une turbine pour générer de
l'électricité.
Il y a des centaines de produits
de fission différents -- des poisons radioactifs tels l'iode-131, le strontium-90,
le césium-137, le krypton-85, etc. À cause de l'accumulation de ces
produits de fission dans le combustible, une grappe de combustible usée est
des millions de fois plus radioactive qu'une nouvelle grappe de combustible qui ne
contient que de l'uranium. En fait, une grappe de combustible usé est
probablement l'objet le plus meurtrier qui puisse exister sur terre.
2. Alimentation d'urgence en
électricité
3. Accidents dans les conduites de vapeur
4. Les ruptures de tubes de force
5. Les soupapes de relâchement de la
pression
......1989..........38 heures...................1990..........34 heures
«En 1994, la performance des systèmes spéciaux
de sûreté a été adéquate. Hydro-Québec
a respecté nos exigences quant à l'indisponibilité
prévue de trois des quatre systèmes spéciaux de
sûreté; celle du système du confinement demeure
élevée.»
100 000 PLUS
(compteur remis à zéro à minuit, le 2 juillet 1998)