La Déclaration du 1998
des Églises canadiennes
sur les armes nucléaires


June 1998



Cher Monsieur le Premier ministre,

Nous tenons à vous exprimer notre profonde gratitude pour le leadership soutenu et courageux dont a fait preuve votre gouvernement pour mettre un terme au fléau des mines antipersonnel. Nous saisissons l'occasion pour vous inviter à démontrer le même engagement visionnaire et à déployer les eff˜rts nécessaires pour éliminer les armements nucléaires.

Nos communautés chrétiennes se sont rejouies avec tous les Canadiens et Canadiennes, et plus particulièrement avec les victimes des pays ravagés par les mines, de ce grand moment, en décembre dernier, à Ottawa, où le ministre des Affaires étrangères, l'Honorable Lloyd Axworthy, a signé, au nom du Canada, le traité interdisant les mines antipersonnel, et où vous avez présenté au Secrétaire général des Nations unies un exemplaire de la législation faisant du Canada le premier pays à ratifier le traité. Cet événement marquant témoigne du riche potentiel de l'action commune des gouvernements et des organisations de citoyens, et de façon particulière, du potentiel des leaders qui prennent les devants pour lancer des défis et encourager.

Nous sommes reconnaissants de votre implication personnelle, du rôle prépondérant joué par Monsieur Axworthy et plusieurs fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Notre reconnaissance et nos félicitations vont également aux milliers de Canadiens et Canadiennes, qui, individuellement ou collectivement, ont contribué, par leurs énergies et leur expertise, à la réalisation de ce projet.

Les communautés chrétiennes du Canada, répondant à l'appel de Dieu qui nous invite à être des témoins d'amour et de réconciliation dans un monde toujours souffrant, ont participé à ce mouvement. En tant que leaders des Églises, cette invitation de Dieu nous incite à lancer un appel pressant à nos communautés chrétiennes, à tous les Canadiens et Canadiennes, ainsi qu'à vous et votre gouvernement, pour que tous s'engagent à nouveau à relever ce que nous croyons être l'un des plus sérieux défis spirituels de notre temps: se débarrasser des plans et des moyens d'anéantissement nucléaire.

La volonté et l'intention de lancer une attaque nucléaire dans certaines situations témoignent de façon éloquente de notre faillite spirituelle. Nous estimons que la prétention des États détenteurs d'armes nucléaires et de leurs alliés, y compris le Canada, selon laquelle ces armes sont indispensables à leur sécurité, est une insulte inou•e à l'humanité. Les armes nucléaires n'assurent pas et ne peuvent assurer la sécurité; elles sont source d'insécurité et de danger. En effet, elles promettent d'anéantir ce qui est le plus précieux: la vie elle-même et l'écosystème planétaire duquel toute vie dépend. Elles n'ont aucun fondement moral, n'ont pas d'utilité militaire, et, selon le récent jugement de la Cour internationale de justice, leur légalité est sérieusement mise en doute. L'élimination des armes nucléaires est l'unique façon de prévenir l'holocauste spirituel, humain et écologique que constituerait une attaque nucléaire. Il est de notre devoir commun de poursuivre cet objectif: c'est une priorité absolue.

Les Églises canadiennes travaillent depuis longtemps en faveur de l'élimination des armes nucléaires. En 1982, elles ont écrit au Premier ministre Trudeau et elles l'ont rencontré. À cette occasion, elles ont affirmé « que les armes nucléaires ne peuvent, sous quelque forme que ce soit et quel qu'en soit leur nombre, être considérées comme étant un élément légitime des forces armées nationales. » En 1988, les Églises ont fait parvenir le même message au Premier ministre Brian Mulroney, soutenant que « les armes nucléaires n'ont pas leur place dans la politique de défense nationale. »

Depuis, nous nous sommes réjouis des importants progrès réalisés pour mettre un terme à la course aux armements nucléaires et réduire la taille des arsenaux nucléaires des super-puissances. Mais ces progrès, aussi encourageants qu'ils soient, demeurent insuffisants. La fin de la Guerre froide offre une occasion sans précédent de mettre en branle le processus menant à l'élimination complète des armes nucléaires. De plus, le récent jugement de la Cour internationale de justice a confirmé qu'il y avait là une obligation juridique.

Nous sommes particulièrement troublés par le refus des États détenteurs d'armes nucléaires d'entamer des négociations visant l'abolition de tels armes, de fixer des échéanciers et des objectifs clairs. Nous sommes très déçus, qu'à ce jour, le Canada souscrive à ce refus. En fait, les États détenteurs d'armes nucléaires continuent de prendre des mesures pour maintenir, « améliorer » ou « moderniser » leurs arsenaux nucléaires et ce, pour un avenir indéterminé.

Nous croyons sincèrement que le Canada puisse grandement contribuer à l'élimination du nucléaire. À cet égard, nous sommes heureux de l'engagement inscrit dans "Bâtir notre avenir ensemble", votre second « Livre rouge », où l'on peut lire... « qu'un gouvernement libéral réélu... ne ménagera aucun eflfort pour assurer la suppression des arsenaux nucléaires et chimiques et des mines antipersonnel dans le monde. » Force nous est de constater, toutefois, que le Canada continue d'appuyer et de rechercher la protection illusoire des armes nucléaires de différentes façons. Cette position compromet le rôle de promoteur du désarmement nucléaire du Canada à l'Assemblée générale des Nations unies, à la Confërence sur le désarmement, et dans d'autres forums.

Le temps est venu pour le Canada de se prononcer fermement contre la possession d'armes nucléaires par quelqu'État que ce soit. L'élimination des armes nucléaires doit devenir l'objectif premier de la politique canadienne en ce domaine. Le Canada doit aussi ajouter sa voix et demander qu'on entame immédiatement des négociations menant à la signature d'une Convention sur les armes nucléaires.

À cette fin nous considérons que le Canada devrait prendre immédiatement les initiatives suivantes:

  • faire pression sur tous les États pour qu'ils négocient d'ici l'an 2000 une entente pour l'élimination des armes nucléaires selon un strict échéancier;

  • faire pression sur tous les États détenteurs d'armes nucléaires pour que, à titre de mesures intérimaires et comme signe de leur bonne foi, ils mettent fin à l'état d'alerte dans lequel se trouvent toutes leurs forces nucléaires et s'engagent de ne pas faire usage de leur droit de première frappe;

  • renoncer à ce que les armes nucléaires jouent quelque rôle que ce soit dans la politique de défense canadienne, et inviter les autres pays à faire de même, y compris la Russie et les alliés du Canada au sein de l'OTAN;

  • réévaluer la légalité de toutes les activités du Canada liées aux armes nucléaires, à la lumière du verdict de la Cour internationale de justice du 8 juillet 1996 et, après un tel exercice, s'acheminer rapidement vers l'arrêt de toute activité dont la légalité paraîtrait désormais ambiguë; et

  • endosser publiquement les conclusions du Rapport de la Commission de Canberra publié le 14 août 1996, et tout particulièrement ses recommandations à l'effet que les États détenteurs d' armes nucléaires « s'engagent sans équivoque à l'élimination des armes nucléaires et s'entendent pour entamer immédiatement les démarches et les négociations menant à cette fin », et que les États non dotés d'armes nucléaires appuient cet engagement et coopèrent à sa mise en application.

Déployer une partie de ses compétences diplomatiques et utiliser son poids politique pour faire en sorte que le monde débute le prochain millénaire muni d'un traité éliminant le fléau des armes nucléaires; c'est la meilleure façon pour le Canada de témoigner de son rôle de bâtisseur et d'agent de rapprochement au sein de la communauté internationale.

Les Églises canadiennes que nous représentons poursuivront leur travail pour l'élimination des armes nucléaires, et ce, en collaboration avec Project Ploughshares et d'autres initiatives canadiennes et internationales dédiées à cette fin. Soucieux de collaborer à cette cause commune, nous vous demandons respectueusement de nous accorder dans les meilleurs délais, un entretien au cours duquel nous pourrons discuter de quelles façons les Églises peuvent appuyer davantage le gouvernement dans l'élaboration de démarches neuves et audacieuses qui témoignent du caractère urgent et prioritaire de l'élimination des armes nucléaires.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous assurons, vous et vos collégues du gouvernement du Canada, des prières et des bons souhaits des Canadiens et Canadiennes.

M. M.L. Bailey Modérateur
L'Église chrétienne (Disciples du Christ) au Canada
Le Rév. Dr. Kenneth W. Bellous Ministre exécutif
La Convention baptiste de l'Ontario et du Québec
John Congram Modérateur
L'Église presbytérienne au Canada
L'archevêque H. Derderian Primat
Le diocèse canadien de l'Église arménienne
Le Rév. Messale Engeda L'Église orthodoxe éthiopienne
Tewahedo
Marvin Frey Directeur exécutif
Le Comité central mennonite du Canada
Donald V. Kerr Commissaire
L'Armée du Salut
Père Marcos Marcos L'Église orthodoxe copte au Canada
Jim Moerman L'Église réformée en Amérique
Père Anthony NikolicL'Église catholique nationale polonaise du Canada
Le Très Rév. Michael G. PeersPrimat
L'Église anglicane du Canada
Le Très Rév. Bill Phipps L'Église unie du Canada
Le Très Rév. Dr Daniel D. Rupwate Superintendant
British Methodist Episcopal Church
L'évêque Telmor Sartison L'Église évangélique luthérienne au Canada
L'évêque Seraphim Évêque d'Ottawa et Canada
L'Église orthodose en Aménque
Son Éminence l'archevêque
métropolitain Sotirios
La métropole orthodoxe grecque de Toronto (Canada)
L'évêque François Thibodeau, c.j.m. Président de la Commission épiscopale
sur les affaires sociales
La Confërence des évêques catholiques du Canada
Le Rév. Ane G. Van Eek Council of Christian Reformed Churches in Canada
Gale WillsLa Convention annuelle canadienne de la
Société des Amis (Quakers)



[ Répertoire du RSN ]











nombre de visites au site WEB du RSN
depuis le 27 mars 1997:

100 000 PLUS

(compteur remis à zéro à minuit, le 2 juillet 1998)