Déclaration
de généraux et amiraux
du monde entier

pour l'abolition
des armes nucléaires


5 décembre 1996



Nous, militaires de carrière, qui avons consacré nos vies à la sécurité de nos pays et de nos peuples, nous sommes convaincus que le maintien des armes nucléaires dans les arsenaux des puissances nucléaires, et que la crainte permanente que d'autres puissent acquérir ces armes, menacent la paix générale et la sécurité dans le monde, dont celle des populations que nous nous sommes voués à protéger, et menacent même leur survie.

Nos responsabilités diverses, nos expériences des armes et des guerres des forces armées de nombreuses nations, nous ont donné une connaissance intime et sans doute unique de la sécurité et de l'insécurité actuelle de nos pays et de nos peuples.

Nous savons que les armes nucléaires, bien qu'elles n'aient pas été utilisées depuis Hiroshima et Nagasaki, représentent un danger évident et permanent pour l'existence même de l'humanité.

Durant la guerre froide, elles ont fait courir un risque énorme d'holocauste. Au moins une fois, la civilisation a été sur le point de connaître une tragique catastrophe. La menace a actuellement reculé, mais elle ne sera pas éliminée tant que les armes nucléaires continueront à exister.

La fin de la guerre froide a créé les conditions favorables pour le désarmement nucléaire. La fin de la confrontation militaire entre l'Union soviétique et les États-Unis a permis de réduire le nombre des armes nucléaires stratégiques et tactiques, [et] d'éliminer les missiles de moyenne portée.

Un jalon vers le désarmement nucléaire a été franchi lorsque la Biélorussie, le Kazakhstan et l'Ukraine ont renoncé à leurs armes nucléaires.

La prolongation indéfinie du Traité de non-prolifération nucléaire en 1995 et l'approbation d'un Traité d'interdiction complète des essais nucléaires par l'Assemblée générale des Nations-Unies en 1996 représentent également des étapes importantes vers un monde sans arme nucléaire. Nous rendons hommage au travail qui a permis ces résultats.

Malheureusement, en dépit de ces progrès, un authentique désarmement nucléaire n'est pas réalisé. Les traités ne prévoient que la destruction des missiles porteurs et non des têtes nucléaires -- ce qui permet aux États-Unis et à la Russie de garder les têtes en réserve, créant ainsi un « potentiel nucléaire réversible ».

Et pourtant, dans l'ambiance de sécurité de l'après guerre froide, les menaces nucléaires le plus souvent évoquées ne sont plus justifiables de dissuasion, ou ne sont même plus crédibles. C'est pourquoi nous pensons que le chemin actuellement suivi dans le monde en matiére nucléaire n'est pas acceptable.

Nous sommes profondément convaincus que les démarches suivantes doivent être prises dès maintenant :

  1. Premièrement, les stocks actuels d'armes nucléaires et ceux prévus dans le futur sont beaucoup trop importants. Ils doivent être réduits sans attendre.

  2. Deuxièmement, les armes nucléaires restantes devraient être progressivement, et de manière transparente, mises hors d'alerte, et leur disponibilité réduite de façon conséquente aussi bien dans les États nucléaires déclarés que dans les États nucléaires de facto .

  3. Troisièmement, la politique nucléaire internationale à long terme doit se baser sur le principe de l'élimination progressive, complète et irrévocable des armes nucléaires.

Les États-Unis et la Russie devraient, sans que cela porte atteinte à leur sécurité militaire, poursuivre le processus de réduction déjà enclenché par les accords START : ils devraient réduire à 1 000 - 1 500 chacun leurs têtes nucléaires, voire encore moins.

Les trois autres puissances nucléaires, et les trois États du seuil devraient participer à un processus de réduction qui serait négocié et les amènerait à en conserver quelques centaines. Le défense de l'intégralité territoriale de chaque pays n'est pas incompatible avec l'abolition des armes nucléaires.

On ne peut, pour le moment, prévoir ou inscrire dans un programme les circonstances et les conditions exactes qui conduiront finalement à cette abolition.

Une des conditions essentielles sera un programme de surveillance et d'inspections, y compris des mesures d'évaluation et de contrôle des stocks de matières fissiles. Ceci évitera que des aventuriers ou des terroristes ne cherchent à se doter clandestinement d'une capacité nucléaire sans risquer d'être découvert très rapidement.

Il est essentiel de se mettre d'accord sur un procédé d'intervention internationale obligatoire, susceptible de mettre fin définitivement et rapidement à des efforts clandestins.

La création de zones dénucléarisées dans différentes parties du monde, des mesures de confiance et de transparence dans le secteur de la défense en général, une mise en oeuvre stricte de tous les traités de désarmement et de contrôle des armements, ainsi qu'une assistance mutuelle pour le désarmement sont également importants pour aller vers un monde dénucléarisé.

Le développement de systèmes régionaux de sécurité collective, y compris des mesures pratiques de coopération, de partenariat, d'interaction et de communication sont essentielles pour établir une stabilité locale et la sécurité.

Il est impossible de dire dans quelle mesure l'existence des armes nucléaires et la crainte de leur utilisation ont pu dissuader la guerre, dans un monde où, cette année, 30 conflits militaires ont été engagés.

Il est évident, malgré tout, que les pays qui possèdent actuellement des armes nucléaires ne les abandonneront que s'ils sont persuadés de disposer de moyens plus sûrs et moins dangereux pour assurer leur sécurité.

C'est pourquoi il est évident que les puissances nucléaires n'accepteront pas maintenant un calendrier précis pour l'abolition.

Il est également évident que, parmi les pays qui ne possèdent pas d'armes nucléaires, il y en a qui n'accepteront pas de renoncer définitivement à en acquérir et à en développer si leur sécurité n'est pas assurée. En particulier, ils ne renonceront pas si les pays qui en possèdent actuellement s'entêtent à perpétuer leur monopole nucléaire.

Le progrès vers l'abolition est en premier lieu de la responsabilité commune des États nucléaires déclarés, Chine, France, Royaume-Uni et États-Unis; de celle des États nucléaires de facto, Indes, Israël et Pakistan; et des grandes puissances non nucléaire : Allemagne et Japon. Toutes les pays devraient tendre vers le même objectif.

Nous sommes confrontés à un défi de la plus grande importance historique : créer un monde libéré des armes nucléaires. La fin de la guerre froide le rend réalisable.

Les dangers de la prolifération, du terrorisme aussi bien que le risque d'une nouvelle course aux armes nucléaires le rendent nécessaire. Nous ne devons pas manque de saisir cette opportunité. Il n'y pas d'autre alternative.


Signé,


LE CANADA

Johnson, Major General Leonard V., (Ret.)
Commandant, National Defense College

LE DANEMARK

Kristensen, Lt. General Gunnar (Ret.)
former Chief of Defense Staff

LA FRANCE

Sanguinetti, Admiral Antoine (Ret.)
former Chief of Staff, French Fleet

GHANA

Erskine, General Emmanuel (Ret.)
former Commander in Chief and former Chief of Staff, UNTSO (Middle East),
Commander UMFI (Lebanon)

LA GRÈCE

Capellos, Lt. General Richard (Ret.)
former Corps Commander

Konstantinides, Major General Kostas (Ret.) former Chief of Staff, Army Signals

L'INDE

Rikhye, Major General Indar Jit (Ret.)
former military advisor to UN Secretary Generals
Dag Hammerskjold and U Thant

Surt, Air Marshal N. C. (Ret.)

LE JAPON

Sakoijo, Vice Admiral Naotoshi (Ret.)
Sr. Advisor, Research Institute for Peace and Security

Shikata, Lt. General Toshiyuki (Ret.)
Sr. Advisor Research Institue for Peace and Security

LA JORDANIE

Ajelilat, Major General Sahfiq (Ret.)
Vice President Military Affairs, Muta University

Shiyyab, Major General Mohammed K. (Ret.)
former Deputy Commander, Royal Jordanian Air force

LES PAYS-BAS

van der Graaf, Henry J. (Ret.)
Director Centre Arms Control & Verification,
Member, United National Advisory Board for Disarmament Matters

LA NORVÈGE

Breivik, Roy, Vice Admiral Roy (Ret.)
former Representative to NATO,
Supreme Allied Commander, Atlantic

LE PAKISTAN

Malik, Major General Ihusun ul Haq (Ret.)
Commandant Joint Services Committee

LE PORTUGAL

Gomes, Marshal Francisco da Costa (Ret.)
former Commander in Chief, Army,
former President of Portugal

LA RUSSIE

Belous, General Vladimir (Ret.)
Department Chief, Dzerzhinsky Militay Academy

Garecy, Army General Makhmut (Ret.)
former Deputy Chief, USSR Armed Forces General Staff

Gromov, General Boris, (Ret.)
Vice Chair, Duma International Affairs Committee,
former Commander of 40th Soviet Army in Afghanistan
former Deputy Minister, Foreign Ministry, Russia

Koltounov, Major General Victor (Ret.)
former Deputy Chief, Department of General Staff, USSR Armed Forces

Larinov, Major General Valentin (Ret.)
Professor, General Staff Academy

Lebed, Major General Alexander (Ret.)
former Secretary of the Security Coucil

Lebedev, Major General Youri V. (Ret.)
former Deputy Chief Department of General Staff, USSR Armed Forces

Makarevsky, Major General Vadim (Ret.)
Deputy Chief, Komibyshev Engineering Academy

Medvedev, Lt. General Vladimir (Ret.)
Chief, Center of Nuclear Threat Reduction

Mikhailov, Colonel General Gregory (Ret.)
former Deputy Chief, Deparment of General Staff, USSR Armed Forces

Nozhin, Major General Eugeny (Ret.)
former Deputy Chief, Department of General Staff, USSR Armed Forces

Rokhlin, Lt. General Lev, (Ret.)
Chair, Duma Defense Committee,
former Commander Russian 4th Army Corps

Sleport, Lt. General Ivn (Ret.)
former Chief, Department of General Staff, USSR Armed Forces

Simonyan, Major General Rair (Ret.)
Head of Chair, General Staff Academy

Surikov, General Boris T.,(Ret.)
former Chief Specialist, Defense Ministry

Teherov, Colonel General Nikolay (Ret.)
former Chief, Department of General Staff, USSR Armed Forces

Vinogradov, Lt. General Michael S. (Ret.)
former Deputy Chief, Operational Strategic Center, USSR General Staff

Zoubkov, Rear Admiral Radiy (Ret.)
Chief, Navigation, USSR Navy

SRI LANKA

Karumaratne, Major General Upali A. (Ret.)

Silva, Major General C.A.M.M. (Ret.)
USF, U.S.A. WC (Sri Lanka)

TANZANIA

Lupogo, Major General H.C. (Ret.)
former Chief Inspector General, Tanzania Armed Forces

L'ANGLETERRE

Beach, General Sir Hugh (Ret.)
Member U.K. Security Commission

Carver, Field Marshal Lord Michael (Ret.)
Commander in Chief of East British Army (1967-1969),
Chief of General Staff (1971-1973),
Chief of Defense Staff (1973-1976)

Harbottle, Brigadier Michael (Ret.)
former Chief of Staff, UN Peacekeeping Force, Cyprus

Mackie, Air Commodore Alistair (Ret.)
former Director, Air Staff Briefing

LES ÉTATS-UNIS

Becton, Lt. General Julius (USA) (Ret.)

Burns, Maj. General William F. (USA) (Ret.)
JCS Representative, INF Negotiations (1981-88)
Special Envoy to Russia for Nuclear Dismantlmement (1992-93)

Carroll, Jr., Rear Admiral Eugene J. (USN) (Ret.)
Deputy Director, Center for Defense Information

Cushman, Lt. General John H. (USA) (Ret.)
Commander, I Corps (ROK/US) Group (Korea) (1976-78)

Galvin, General John R.,
Supreme Allied Commander, Europe (1987-1992)

Gayler, Admiral Noel (USN) (Ret.)
former Commander, Pacific

Horner, General Charles A. (USAF) (Ret.)
Commander, Coalition Air Forces, Desert Storm (1991)
former Commander, U.S. Space Command

James, Rear Admiral Robert G. (USNR) (Ret.)

O'Meara, General Andrew (USA) (Ret.),
former Commander U.S. Army , Europe

Pursley, Lt. General Robert E. USAF (Ret.)

Read, Vice Admiral William L. (USN) (Ret.)
former Commander, U.S. Navy Surface Force, Atlantic Command

Rogers, General Bernard W. (USA) (Ret.)
former Chief of Staff, U.S. Army;
former NATO Supreme Allied Commander (1979-1987)

Seignious, II, Lt. General George M. (USA) (Ret.)
fomer Director Army Control and Disarmament Agency

Shanahan, Vice Admiral John J. (USN) (Ret.)
Director, Center for Defense Information

Smith, General William Y., (USAF) (Ret.)
former Deputy Commander, U.S. Command, Europe

Wilson, Vice Admiral James B. (USN) (Ret.)
former Polaris Submarine Captain


[ Répertoire du RSN ]











nombre de visites au site WEB du RSN
depuis le 27 mars 1997:

100 000 PLUS

(compteur remis à zéro à minuit, le 2 juillet 1998)