Canadian Coalition
for Nuclear
Responsibility



Regroupement pour
la surveillance
du nucléaire


Prise de position du RSN
sur l'importation du plutonium

[ for the English Version ]

version provisoire en voie d'être approuvée
par le conseil d'administration du RSN

Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire
C.P. 236 - Succursale Snowdon
Montréal (Québec) H3X 3T4
Tél./téléc. (514) 489-5118

le 17 octobre 1996

En avril 1996, le Premier ministre Jean Chrétien était à Moscou pour prendre part à un sommet mondial sur la question nucléaire. Il y a signé une entente dans laquelle le Canada se dit en accord --en principe-- avec l'idée d'utiliser le plutonium retiré des ogives nucléaires russes et américaines comme combustible dans les réacteurs de la centrale Bruce «A» d'Ontario Hydro. Cela s'est fait sans débat parlementaire et sans consultation publique.

Le public est en droit d'être consulté et a besoin d'être informé en la matière. Énergie atomique du Canada limitée et Ontario Hydro travaillent sans relâche, en catimini, depuis plus de deux ans en vue de faire approuver cette proposition par les autorités canadiennes et américaines. Ils ont même commencé à acheminer vers Chalk River du plutonium extrait d'ogives pour y faire des expériences. Pourquoi le Canada suivrait-il l'avis du lobby nucléaire canadien sans avoir reçu le mandat de procéder ainsi, en fait sans même avoir abordé le sujet avec les citoyens ou leurs représentants élus et sans même avoir établi une tribune quelconque pour un débat public sérieux ?

Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire a préparé ce qui suit afin de mettre les citoyens au fait de la situation. Nous encourageons tous les citoyens à prendre part à ce débat en vue des conséquences possibles d'une décision en ce sens:

  • importer le plutonium voudrait dire qu'on continuerait de subventionner l'industrie nucléaire pour au moins encore 25 ans; à ce jour, les subventions à l'industrie nucléaire s'élèvent à plus de 13 milliards de $ (en dollars de 1996).

  • importer le plutonium nécessiterait la mise en place de mesures de sécurité exceptionnelles, dont un cortège lourdement armé accompagnant chaque chargement de plutonium; les gardes seraient autorisés à prendre quelque assaillant en poursuite et à procéder à des perquisitions sans mandat.

  • importer le plutonium au Canada ouvrirait la voie vers une «économie du plutonium» dans laquelle cet élément serait un article de commerce international, devenant par le fait même facilement disponible à des organisations criminelles ou terroristes partout à travers le monde.

  • l'importation du plutonium serait le premier pas vers l'objectif avoué de l'industrie nucléaire, soit que le Canada accepte les déchets hautement radioactifs en provenance d'autres pays.

  • l'importation du plutonium établirait un précédent en intégrant le programme nucléaire civil canadien de production d'électricité aux programmes militaires de pays producteurs d'armes nucléaires.

Vous pouvez écrire à votre député fédéral à l'adresse suivante (sans timbre):

Chambre des communes
Colline parlementaire
Ottawa (Ontario)
K1A 0A9

Vous pourriez aussi envoyer une copie de votre lettre

  • au Premier ministre du Canada, Jean Chrétien;
  • au ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy; et
  • au ministre des Ressources naturelles, Anne McLellan;
(à la même adresse -- sans timbre).


Table des matières

  • Le plutonium

  • Le «combustible usé»
    (ça contient 80% du plutonium sur la planète)

  • Le plutonium isolé
    (ça compte pour 20% du plutonium sur la planète)

  • Terrorisme nucléaire

  • Une économie basée sur le plutonium

  • Problèmes de sécurité

  • Conclusion tirée par le RSN
    sur une politique canadienne du plutonium


  • Le plutonium

    Le plutonium est un élément chimique fabriqué par l'homme. Il est créé dans tout réacteur atomique en marche, du plus petit réacteur de recherche au plus grand réacteur de puissance. Il a trois caractéristiques importantes:

    1. Le plutonium peut être utilisé dans la fabrication de bombes atomiques.

      Quelques kilogrammes de plutonium suffiraient pour faire un bombe capable de détruire une ville entière. La seule autre substance pouvant servir à cette fin est l'uranium hautement enrichi; des deux, c'est le plutonium qui est le plus souvent utilisé. En effet, la majorité des ogives nucléaires existant dans le monde utilisent le plutonium comme explosif principal.

    2. Le plutonium est un poison radiologique puissant.

      Lorsque aspirés dans les poumons, quelques milligrammes de plutonium suffisent à entraîner la mort par fibrose massive dans les mois qui suivent. Une quantité beaucoup plus petite peut aussi entraîner un cancer mortel du poumon plusieurs années plus tard. La contamination du sol et des édifices par le plutonium est notoirement persistante; il s'avère très difficile et coûteux de s'en débarrasser.

    3. Le plutonium peut être utilisé comme combustible dans les réacteurs nucléaires.

      Plusieurs partisans de l'énergie nucléaire --au Japon, en France, en Russie et en Inde, en particulier-- voient le plutonium comme le combustible de choix pour l'avenir puisqu'ils prévoient que les réserves d'uranium vont finir par s'épuiser. Le gouvernement fédéral a expressément laissé ouverte la possibilité pour l'industrie nucléaire canadienne d'utiliser de façon routinière le plutonium comme combustible nucléaire à l'avenir.


    Le «combustible usé» :
    ça contient 80% du plutonium sur la planète

    Parce que le plutonium est fabriqué de main d'homme, on sait exactement où le trouver. Quatre-vingt pour cent du plutonium existant aujourd'hui se trouve immobilisé dans le combustible usé produit de façon routinière dans les réacteurs nucléaires. Ce combustible usé est hautement radioactif; les rayons gamma qu'il émet sont si puissants que tout être humain s'en approchant sans écran de protection trouverait la mort dans un très court laps de temps. Cette intense radioactivité du combustible usé est due à la présence de plusieurs dizaines de substances appelées «produits de fission» qui --contrairement au plutonium-- émettent des doses mortelles de rayonnement très pénétrant.

    Contrairement à qu'on pourrait croire, le plutonium lui-même n'est pas trop radioactif pour être manipulé, malgré le fait qu'il soit très toxique. Le plutonium dégage un rayonnement de type non-pénétrant appelé «rayonnement alpha» qui, tout en étant très nocif lorsqu'il se trouve à l'intérieur du corps humain, est relativement inoffensif lorsqu'il se trouve à l'extérieur du corps.

    Ce sont donc les «produits de fission» dans le combustible usé qui agissent de manière très efficace comme barrière radiologique, rendant par le fait- même le plutonium très difficile d'accès à quiconque voudrait le voler, le transporter, l'utiliser ou le cacher tant qu'il est accompagné de toutes ces autres substances très radioactives. De plus, on ne peut extraire le plutonium du très radioactif combustible usé sans avoir recours à une usine de retraitement: une usine robotisée qui sépare chimiquement le plutonium des produits de fission. Ce genre d'usine n'est pas facile à construire, à faire marcher ou encore à cacher.

    A court terme, donc, il ne fait pas de doute que le combustible usé offre un degré élevé de protection contre quiconque voudrait mettre les mains sur du plutonium, exception faite d'organismes qui seraient excessivement bien équipés. Mais plus le temps passe, plus la radioactivité du combustible usé baisse, ce qui fait que le plutonium qui se trouve dans cette matrice devient de plus en plus accessible. L'explication est simple: le plutonium dure des milliers d'années, alors que la plupart des produits de fission disparaissent (à cause de la désintégration radioactive) au bout de plusieurs dizaines d'années. Au fil du temps, la nécessité de se prémunir d'écrans protecteurs diminue peu à peu, et finalement il devient possible de procéder à la séparation chimique dans une cave ou un garage.

    Donc, le rayonnement pénétrant du combustible usé offre au mieux une protection temporaire --de l'ordre de plusieurs dizaines d'années-- contre ceux qui voudraient obtenir le plutonium qui y est contenu. A plus long terme --quelques décades ou quelques siècles-- cette méthode n'offre pas de barrière radiologique adéquate pour empêcher les bricoleurs de bombes d'avoir accès au plutonium et de l'utiliser pour fabriquer des armes atomiques. En particulier, elle n'est pas une solution permanente à ce problème très urgent: que fait-on avec le plutonium retiré des ogives démantelées?


    Le plutonium isolé :
    ça compte pour 20% du plutonium sur la planète

    Certains pays, comme la France, la Grande-Bretagne et la Russie, procèdent de façon routinière au retraitement du combustible usé afin de séparer chimiquement le plutonium des autres substances radioactives qui s'y trouvent. On a recours à ce procédé à des fins militaires, soit l'obtention du plutonium qui est nécessaire à la fabrication de bombes atomiques. Mais on y a recours aussi à des fins civiles, en vue d'obtenir le plutonium qui pourrait un jour servir de combustible nucléaire.

    En conséquence, environ 20 pour cent du plutonium qu'on retrouve sur le globe aujourd'hui existe à l'état isolé, c'est-à-dire sans la présence des produits de fission hautement radioactifs qui forment, dans le cas du combustible usé, une si formidable barrière. Une fois séparé de ces autres éléments, le plutonium peut être volé, transporté, utilisé ou caché sans difficulté justement parce que, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, le plutonium n'est pas très intensément radioactif. Autrement dit, le plutonium n'émet pas beaucoup de rayonnement pénétrant: pas assez pour tuer ou même être détecté facilement, même à très courte distance.


    Terrorisme nucléaire

    L'existence de plutonium isolé présente un risque important de proportion globale, puisque tout groupe national ou para-national bien équipé peut éventuellement fabriquer une arme atomique très destructrice avec à peine quelques kilogrammes de plutonium isolé, de quelque sorte qu'il soit. Un tel engin nucléaire pourrait être installé dans le coffre d'une voiture et déclenché à distance.

    La National Academy of Sciences des États-Unis signale qu'une telle arme, faite de n'importe quelle sorte de plutonium, aurait une force explosive équivalant à au moins mille tonnes de TNT et un rayon de destruction correspondant au tiers, au moins, de celui de la bombe d'Hiroshima. Voici ce qu'en a dit Paul Nitze, un conseiller présidentiel américain en matière de sécurité il y a plusieurs années: «On pourrait se lever un de ces jours dans quelques années et trouver la ville Washington anéantie, et on ne pourrait même pas dire qui a fait ça.»

    Une petite quantité de plutonium suffirait aussi pour fabriquer une arme radiologique terriblement efficace en répandant du plutonium dans l'atmosphère en concentrations suffisantes pour tuer plusieurs milliers de personnes; il en résulterait aussi la contamination d'une vaste région: une contamination très persistante avec laquelle il est très difficile, dangereux et coûteux de composer.


    Une économie basée sur le plutonium

    Il s'avère que la moitié de tout le plutonium isolé qu'on trouve sur la planète est entre les mains des militaires; l'autre moitié est dams les mains de sociétés productrices d'électricité qui souhaitent utiliser le plutonium comme combustible dans les centrales nucléaires commerciales. Et pas seulement de façon temporaire, mais à long terme, indéfiniment, pour des siècles à venir. C'est ce plan d'action-là qu'on appelle «l'économie du plutonium».

    Qui plus est, les stocks civils de plutonium isolé qui s'accumulent au Japon, en France, en Grande-Bretagne, en Inde et en Russie grossissent plus vite que les stocks militaires. Le plutonium isolé est sans aucun doute une menace à la sécurité mondiale; il est donc évident que la plus grande menace de tout vient de la commercialisation projetée du plutonium.


    Problèmes de sécurité

    Si l'expérience peut nous apprendre quoi que ce soit, elle devrait nous convaincre que tout item qui se retrouve sur le marché finit par tomber entre les mains de criminels. Peut-on penser à une seule chose qui soit à l'abri du vol? : l'or, les diamants, l'argent, l'héroïne? Peut-on croire que le plutonium produit dans une usine, emballé et manipulé par des dizaines d'individus, expédié d'un continent à l'autre, façonné en pastilles de combustible et acheminé vers des réacteurs civils, puisse arriver à destination sans aucune perte ou vol en cours de route?

    Un rappel: le plutonium n'est pas très radioactif comme tel; il ne le devient que lorsqu'il est utilisé dans un réacteur nucléaire. On peut donc le voler sans avoir recours à des mesures complexes de protection radiologique. Une fois volée, cette matière servirait inévitablement à des actes de terrorisme nucléaire, que ce soit pour motif de gain personnel (prendre toute une ville en otage) ou par fanatisme politique.


    Conclusion tirée par le RSN
    sur une politique canadienne du plutonium

    Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire croit que la seule façon de prévenir une telle suite des événements est d'arrêter la production -- civile et militaire-- du plutonium isolé, sous toutes ses formes et de renoncer tout-à-fait à la commercialisation du plutonium. Si le Canada se met à utiliser le plutonium comme combustible pour ses réacteurs nucléaires, d'autres prendront cela comme le signal qu'ils peuvent en faire autant, nous engageant donc dans la voie d'une économie mondiale du plutonium. Alors, au lieu de se débarrasser des problèmes de sécurité associés au plutonium, nous allons plut™t institutionnaliser et perpétuer ces problèmes. Le RSN croit que cela est justement ce qu'il ne faut pas faire.

    Il est important, aussi, de noter que lorsque utilisé comme combustible nucléaire, le plutonium n'est pas détruit complètement. La part du plutonium qui se fissionne --c'est le cas de la moitié aux deux-tiers-- est effectivement détruite. Mais le tiers, environ, du plutonium demeure toujours dans le combustible usé et, de plus, il se crée du nouveau plutonium dans le réacteur, ce qui fait que la réduction nette n'est que d'environ la moitié. La moitié de dix mille armes atomiques est encore une part beaucoup trop élevé. La réduction de moitié des stocks de plutonium --aussi respectable que cela puisse être-- ne change effectivement rien au problème du coté qualitatif.

    Le RSN croit que l'excédent de plutonium provenant des armes atomiques ne devrait ni être commercialisé, ni utilisé comme combustible dans des réacteurs civils; on devrait plut™t l'immobiliser et le placer sous une garde de haute sécurité qui soit de caractère international. Il doit être sous une forme qui soit impossible à voler ou à utiliser comme composante d'arme nucléaire; on pourrait le mélanger à des matériaux hautement radioactifs afin de créer une barrière radiologique et le mettre sous des formes chimiques et physiques le rendant difficile d'accès (comme par exemple en le stockant en blocs très lourds et donc difficiles à manoeuvrer facilement ou encore en le mélangeant avec des produits qui le rendraient insoluble). Entre-temps, la pression politique devrait être utilisée pour arrêter la production de plutonium partout dans le monde et la recherche scientifique devrait se concentrer sur le développement de méthodes assurant la destruction de TOUT le stock mondial de plutonium d'une façon qui soit satisfaisante à perpétuité.


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