Mémoire présenté à Hydro-Québec
dans le cadre des consultations sur l'énergie


ÉNERGIE NUCLÉAIRE
ET SANTÉ GLOBALE


le 20 mai, 1992


Professionnels de la santé
pour la responsabilité nucléaire



SECTION I -- LE QUÉBEC


Section 1.1
Évaluation du risque à Gentilly


SITUATION :


La prevalence des anomalies ano-rectales dans les dernières annees à Gentilly et à l'entour de la Centrale Nucléaire est statistiquement élevée. II y a également un excès de fissures labiales et palatines.

Cette situation a nécessité une étude plus approfondie faite par le Département de Santé communautaire du Centre Hospitalier Sainte-Marie.


IDENTIFICATION DES CONTAMINANTS :


II s'agit d'agresseurs potentiels:


CARACTÉRISATION DES CONTAMINANTS :


  1. Radiations nucléaires:

    Nous ne possédons pas les données d'exposition de la population à la radioactivité libérée par la centrale nucléaire.

  2. Déchets nucléaires:

    Nous ne possédons pas d'étude toxicologique sur la teneur des déchets de cette centrale. Nous ne savons pas où se trouvent ces déchets.

  3. Contamination de l'eau:

    Nous ne connaissons pas le degré de contamination de l'eau desservant la communauté: eau de consommation, eau des rivieres et lacs avoisinants.


PROPRIÉTÉS TOXICOLOGIQUES


Les effets biologiques des radiations ionisantes sont bien connus:

Pour connaître les effets des accidents aîgus nous pouvons nous référer à Tchernobyl.

Les effets à long terme sont aussi bien documentés.


ÉTUDE DU DSC SAINTE-MARIE


Résumé :

Cependant le DSC a recommandé que:


NOTRE POINT DE VUE


  1. Nous entérinons les recommandations faites par le DSC Sainte-Marie.

  2. Nous pensons que la situation à Gentilly présente beaucoup d'incertitudes et nous recommandons qu'Hydro-Québec reduise ces incertitudes en :
    • Diminuant les imprécisions des données
    • Fournissant les données manquantes

  3. Devant tous ces éléments d'incertitude, nous recommandons un moratoire sur tout développement de la Centrale de Gentilly ou sur le développement de toute autre centrale nucléaire au Québec.


    SECTION 1.2


    QUELQUES ASPECTS
    DES EFFETS SUR LA SANTÉ

    DE LA TECHNOLOGIE NUCLÉAIRE
    ET DES RADIATIONS

    SUR LES TRAVAILLEURS
    EN AMÉRIQUE DU NORD


    par Michael Dworkind M.D., Catherine Commandeur M.D.,
    Professionnels de la santé pour la responsabilité nucléaire.


    Dès 1980, l'association des professionels de la santé pour la responsabilité nucléaire a été profondément concernée par les effets sur la santé et les effets sur l'environnement entraînés par la technologie nucléaire.

    Au Québec, notre association a mis l'accent ces dernières années sur les armes nucléaires et les conséquences d'une guerre nucléaire qui représentent le danger le plus grand pour la santé des populations. Nous continuons à dénoncer sévèrement le lien organique qui existe entre la puissance nucléaire et la course aux armements. Au Canada, nous sommes particulièrement inquiets de l'utilisation croissante de l'énergie nucléaire. Notre assocation a pour but bien établi d'éduquer et d'attirer l'attention des gens sur les effets néfastes sur la santé qu'engendre le nucléaire dans son ensemble: du forage de l'uranium, à son transport, de son usage ultime aux effets sur l'environnement que peut créer l'entreposage des dechets nucléaires.

    Cet article a pour but de mettre l'emphase sur les effets sur la santé que peuvent provoquer des faibles doses de radiations ionisantes, et d'attirer l'attention sur la santé des travaileurs de l'industrie nucléaire.


    LES IRRADIATIONS À FAIBLE DOSE

    Aucun contaminant de l'environnement, dans le monde, n'a été plus étudié que les radiations ionisantes. La plupart des travaux et recherches ont été tenus secrets puisqu'ils étaient reliés au développement militaire et que les fonds étaient alloués par contrats avec le Département de la défense des États-Unis. Une situation similaire a existé au Canada, si l'on se réfère au projet Manhattan des années 40. La Commission de contrôle de l'Énergie Atomique (CCEA) n'a jamais tenu d'audiences publiques sur les permis ou sur les normes au sujet du nucléaire. (Ref. 1, 2, 3.)

    Les effets sur la santé des faibles doses de radiations ionisantes demeurent un sujet à controverses. Cependant, de façon générale, il est largement admis dans le communauté scientifique, qu'aucun niveau de radiation n'est sécuritaire pour l'individu, bien que le risque àl; faible dose soit relativement minime. Le calcul exact de ces risques demeure un brûlant sujet de discussion. On admet que les effets sur la santé sont cumulatifs. La période de latence allant de l'exposition à la découverte, par exemple, d'une tumeur cancéreuse solide, peut être de 20 à 40 ans, et de seulement 5 ans pour les leucémies. La connaissance des effets sur la santé humaine des radiations ionisantes est tirée de faits concrets de tristes expériences du passé.

    À cause de la nature ubiquitaire des radiations ionisantes et de la difficulté de faire une surveillance de la population générale, il est difficile à partir d'études de populations, d'extrapoler les risques encourus lors d'une exposition précise. Les effets des radiations sur les gènes causent des mutations et des dommages chromosomiques, et de ce fait modifient le capital génétique humain, qui peuvent se transmettre sur plusieurs générations. Les cancers et les maladies moins sevères sont étroitement liés à un dommage génétique infligé au niveau de la cellule. Les opinions sont extrèmements variées dans la communauté scientifique quant à savoir comment et à quel rythme ces dommages se produisent.

    Par exemple, lors de l'accident de la Centrale nucléaire de Tchernobyl, Leo Yaffe de l'Université McGill à Montreal, pionnier scientifique canadien et grand défenseur du nucléaire, déclare que seulement 31 personnes sont mortes des suites de cet accident. Le Gouvernement soviétique prévoyait dès le début 2 400 à 24 000 cas de cancers fatals pour les 50 prochaines années; lors d'une declaration récente à la chaîne de télévision CBC (réseau anglais de la chaîne canadienne), il prétendait que ces chiffres étaient sous-estimés. Robert Gale, lors des colloques de l'"American Academy for the advancement of sciences", estimait que cet accident entraînerait un excès de 75 000 deces par cancer. John Gofman du département de Medecine Physique de l'Université de Californie à Berkeley aux États-Unis, (Ref. 4 , 8, 9) estime à 1 000 000 le nombre de cancers et de leucémies en excès resultants de l'accident de Tchernobyl.


    LES RADIATIONS IONISANTES
    ET LE DÉVELOPPEMENT DE CANCERS


    Un cancer peut être décrit comme une simple reproduction incontrôlée d'un type de cellules. La plupart des chercheurs pensent que la maladie engine d'une seule cellule et qu'elle est causée par une perturbation à l'intérieur du noyau de la cellule ou du material génétique. La théorie prédominante veut que les radiations causent le cancer lorsqu'une dose directe ou indirecte détruit l'agencement chromosomique de la cellule, qui se divise alors de façon incontrôlée. C'est l'oncogène ou le contrôleur des gènes qui est généralement reconnu comme le site de la carcinogénèse induite par radiation. Bien sûr, des contaminants environnementaux, autres que les radiations, peuvent avoir des effets similaires. Les cellules continuant de se diviser rapidement forment des tumeurs; ces tumeurs ont une capacité de se disseminer dans tout le corps par l'intermédiaire du sang et la lymphe. (Ref. 4, 8, 9)

    Bien que la nature exacte de ce court-circuit dans la regulation cellulaire ne soit pas connue, on admet que cette alteration dans la structure génétique est reliés à la formation de cancer. Que le cancer ait été causé par une exposition à des radiations, à des agressions chimiques ou virales ou que la mutation génétique soit spontanée, il est impossible de determiner combien d'années cela a pris avant que la tumeur devienne évidente. Selon S. Epstein, (Ref. 10 ), malheureusement les cancers ne fournissent pas d'indication au médecin sur la date du dommage original, ni sur la forms sous laquelle il s'est developpé. De la même façon, les ovaires et les testicules qui ont été exposés à des radiations peuvent augmenter le risque de cancer chez l'enfant à naître et chez les descendants de cet enfant. La plupart de ces résultats proviennent d'études épidemiologiques realisées à partir des survivants d'Hiroshima et de Nagasaki, des participants aux essais atomiques, des travailleurs exposés à des radiations et d'autres groupes de personnes exposées à des radiations dans des situations médicales.


    LES HYPOTHESES SUR
    L'EXPOSITION À FAIBLE DOSE

    A partir de nombreuses études dose-reponse, une hypothèse linéaire a été mise de l'avant, ce qui signifie que pour des doses croissantes de radiations, il y a une augmentation proportionnelle de l'incidence de cas de cancers, selon les organes exposés, l'âge de l'individu et d'autres facteurs, tels que les habitudes alimentaires et le tabagisme. Les chercheurs ne sont pas d'accord sur l'interpretation des données disponibles actuellement qui sont incomplètes selon eux, ni sur la manière d'extrapoler les conclusions. L'hypothèse linéaire a été refusee par differentes écoles de pensée. Les differents modes théoriques connus sont le mode linéaire, le mode quadratique, et le mode supralinéaire (Ref. 5 et 6 -- Voir graphique 1).

    Les doses de radiations sont cumulatives et le risque de cancer augmente avec le temps. La plupart des agences officielles de réglementation se servent du modèle linéaire pour estimer le risque de développement de cancer. Le mode quadratique prédit un effet beaucoup plus subtil à faible dose, ce qui suppose un seuil où le cancer ne peut être induit. Ce mode n'est généralement pas reconnu dans la communauté scientifique. Pour comprendre le mode quadratique, il faut assumer que le mécanisme de réparation de la cellule humaine supporte mieux les faibles doses et est capable d'éliminer les cellules potentiellement cancereuses avant que celles-ci n'aient eu le temps de se multiplier.

    Dans le mode supralinéaire, une faible irradiation peut faire asset de dommages pour initier la production d'un cancer et ainsi être plus nocif que les doses élevées. Recemment, des chercheurs ont suggeré que certains types d'irradiation, en particulier les radiations alpha, fonctionnent suivant une courbe supralinéaire (Ref. 7). Selon cette approche, plus la dose est faible, plus le taux de maladies par unité de radiation est élevé. Le radon est un exemple particulier très intéressant; il est produit par l'uranium et par d'autres minerais durs, il peut amecter la santé des mineurs; or, le Canada est le premier pays extracteur d'uranium au monde.

    Le rapport de Thomas et McNeill (Ref. 5) a monté que les radiations alpha évoluaient sur un mode supralinéaire. Ceci signifiait que de faibles doses de radon pouvaient entraîner l'accroissement du nombre de cancers, au-delà des chiffres suggérés par l'hypothèse linéaire. Le Comité aviseur de la protection radiologique de la CCEA réjeta le rapport et ce type d'analyse ne fût jamais utilisé. II s'agit d'un des nombreux exemples de camouflage de l'information scientifique, lorsqu'elle est contraire aux règles établies par l'industrie.

    L'étude de Hanford, Washington, par Mancuso, Stewart et Kneale (Ref. 7), traite de 442 travaileurs exposés à des radiations dans une usine de réacteurs nucléaires, morts de cancer entre 1944 et 1972, et dont la dose moyenne annuelle était approximativement de 1 rem. Le risque d'excès de cancer fatal était de 8 pour 1 000 personnes exposées à 1 rem, ou de 1 cancer fatal pour chaque 125 personne-rems. II s'agit d'un risque d'environ 20 fois plus élevé que celui qui était prévu dans les études précédentes pour des groupes fortement exposés.

    Le département américain de l'Énergie supprima les fonds pour la recherche, à peu pres au même moment où débuta l'étude de Hanford. Les audiences du Congrès furent tenus et le National Institute of occupational safety and health (NIOSH) fut d'accord pour financer cette étude. Les resultats des recherches subséquentes tendent à confirmer les resultats qui avaient été obtenus anterieurement.

    L'industrie nucléaire a réagit en payant plusieurs groupes pour refuter les résultats de l'étude de Hanford. Elle a cependant admis que les données de Hanford étaient justes, au moins pour 2 des 3 formes de malignités accrues par les radiations. Les resultats supportent fortement l'hypothèse de la relation supralinéaire entre la dose de radiation reçue et le cancer. (Voir graphique 1.)

    Ces examples et beaucoup d'autres, demontrent que l'incertitude scientifique sur les effets sur la santé des radiations et les aleas politiques sous-jacents sont considerables et que le débat est loin d'être terminé.


    LA QUESTION DE SANTÉ AU TRAVAIL

    Dans des conditions de travail normales, les travailleurs exposés à des radiations sont soumis à un "risque acceptable". La difficulte réside dans la definition de ce qu'est un risque acceptable, "techniquement" ou "ethiquement". On sait que tout excès d'exposition a des radiations conduit à un excès de decès par cancer. Comment cela peut-il être acceptable pour la santé et la securité d'un travailleur? Ce qui est acceptable pour l'industrie, l'est-il pour le travailleur? Surtout lorsque les effets néfastes peuvent êtres transmis aux enfants et aux petit enfants de celui-ci? Enfin, les syndicats qui protègent les travailleurs doivent resoudre ces difficiles questions morales, médicales et sociales.

    L'étude de Gardner realisée à Sellafield dans le West Cumbria, (Ref. 12 ), conclut que l'incidence de leucémies et de lymphomes non-hodgkinniens parmi les enfants était associée à l'emploi du père avant la conception.

    Aucune technologie n'est sans danger, mais le risque de cancer du poumon est clairement demontré chez les mineurs d'uranium. Des efforts doivent être fait pour obtenir une ventilation adéquate afin de réduire le risque d'exposition au radon et de ce fait le risque de decès par cancer du poumon. Si l'on considère les données des États-Unis sur le taux d'accroissement de doses de radiations (personne-rems/année) en faisant la moyenne pour tous les réacteurs nucléaires, il y a un accroissement continu depuis 1969, de la dose annuelle de radiations par installation nucléaire. On peut dire la même chose des expositions professionnelles au Canada. On peut se demander si il est possible d'avoir des niveaux d'exposition raisonnable, en se basant sur ce que permet la technologie. (Ref. 10 -- Voir table 2)

    En considerant des visées raisonnables, le legislateur n'a pas defini le terme "raisonnable". Un employeur qui a la possibilité cracheter des mesures de protection contre les radiations ou des robots, peut en principe, réduire l'exposition des travailleurs, s'il est prêt à payer assez, mais est-on en droit de s'attendre à une telle attitude de la part d'un employeur?

    Inevitablement la limite raisonnable pour l'employeur est celle qui justifie le coût de mesures protectrices qui le protègeront contre des poursuites d'un travailleur blessé, ou contre l'intervention du syndicat, ou contre la possiblite de retrait de son permis d'operation par un inspecteur. La santé du travailleur devient alors une question économique.

    Malheureusement, beaucoup des problemes de santé associées aux radiations ne peuvent être étiquetés comme tels. II sera tres difficile à un travailleur de faire la preuve que le cancer dont il est affecté est dû à son exposition professionnelle. L'employeur n'attachera donc pas une grande importance économique à un problème qui pour lui n'est pas une realité; pas plus qu'un problème même d'atteinte des générations futures. (Ref. 8, 9)

    Les travailleurs sont souvent exposés à des niveaux significatifs de radiations ionisantes, au dela de la limite permise, ce qui accroît le risque de développement d'un cancer et le risque d'avoir une descendance atteinte de malformations congénitales. Le dilemme est approfondi par le fait que le système de règlementation, tant aux États-Unis qu'au Canada, a établit une dose limite permise de radiations et que ce sont les agences gouvernementales qui sont indirectement responsables de la bonne santé économique de l'industrie nucléaire. La question de la securité des travailleurs est fondamentale. Comment peut-on accepter que des niveaux d'exposition à des radiation ionisantes soient considerés sécuritaires, alons que personne est d'accord sur le risque entrainé par les differents niveaux de radiations? Pourquoi les travailleurs seraient-ils exposés à des niveaux dix fois supérieurs au niveau permis pour la population générale? Y-a-t-il suffisamment de surveillance des effets sur la santé pour augmenter l'exposition actuelle, tel que vient de la demander le Canada? La dose permise est souvent assimilée à la dose sécuritaire. II s'agit d'une serieuse méprise, puisque c'est seulement la dose zéro qui est sécuritaire en matière d'exposition à des radiations ionisantes.

    David Poch (Ref. 10 ) déclarait: "Qu'y-a-t-il de si particulier au sujet de la dose limite établie par le legislateur? La reponse semble être que les limites sont politiquement acceptables dans le milieu de travail, c'est à dire, qu'elles sont facilement respectées par l'industrie ert qu'il est difficile pour les personnes exposés de faire la preuve du lien entre leur maladie et leur exposition professionnelle."

    On fournit l'explication suivante pour justifier la limite d'exposition aux radiations; le risque serait equivalent à celui des autres industries dites "sécuritaires". Cependant, d'apres les données de NIOSH, l'industrie nucléaire est l'industrie qui comporte le plus de risques pour la sante.

    Selon l'estimation conservatrice du risque de l'CIPR (Commission Internationale de protection radiologique), les travailleurs exposés à des radiations sont 7 à 8 fois plus à risque que la moyenne des travailleurs d'une industrie "sécuritaire". Le risque est 2 à 3 fois plus élevé que dans les mines et les carrières. D'après Gofman et Bertell, l'industrie nucléaire est un milieu de travail dangeureux à long terme, même si l'exposition est à faibles doses. (Ref. 8, 9)


    LES LIMITES D'EXPOSITION

    Historiquement, les agences de reglementation ont diminue de façon constante les limites d'exposition permises selon les connaissances scientifiques sur les effets néfastes des radiations sur la santé. Les doses permises, cependants, dependaient de l'interpretation des données existantes. (Ref. 1 , 2, 3.)

    La récente reévaluation des données de HIROSHIMA-NAGASAKI, a montré de serieuses faiblesses et a créé un besoin urgent de recalculer tous les risques prévus anterieurement (Ref. 4 ). Une nouvslle analyse des données a montré que le niveau de radiation de neutrons liberés a été sur-estimé. Les chercheurs ont attribué beaucoup de cancers d'Hiroshima à une exposition aux puissantes radiations des neutrons. D'après les données récentes, beaucoup de ces cancers pourraient être attribués aux radiations de type gamma, qui seraient plus dangeureuses qu'on le pensait anterieurement.

    II faudra malheureusement des années pour que cette conclusion soit incluse dans le débat de l'estimation de risque. Dès maintenant, l'accent devrait être mis sur la nécessité d'établir les limites d'exposition de façon plus prudente.

    Le "British National Radiological Protection Board", à la lumière de ces nouvelles données, a admis que les risques sont 2 à 3 fois plus élevés que ce que l'on estimait genéralement. Allant à l'encontre de la position de l'ICRP, il a été décidé de baisser le niveau maximal d'exposition acceptable de 5 rem/année a 1.5 rem/année. De la même façon, une position plus prudente a été adoptée concernant l'exposition de la population générale, en reduisant de un dixième la limite acceptable pour le Canada, qui est passée de 0.5 rem/année à 0.05 rem/année, soit 5 milisieverts/année, c'est-à-dire un peu moins du double de la dose reçue à partir de l'environnement naturel.

    On comprend mal pourquoi, face à ces nouvelles connaissances scientifiques, la CCEA suporte toujours l'ICRP et a mis en place des mécanismes pour augmenter le niveau de radiations permis au Canada, tout au moins pour les émissions internes incluant le radon.

    Nous pensons, à l'Association des professionnels de la santé pour la responsabilité nucléaire, que cela est inacceptable. Des tentatives doivent être faites, pour que le Canada adopte au moins la position du "British National Radiological Protection Board". Le modèle de l'ICRP sous-estime le risque réel de 2 à 5 fois. De plus, nous pensons que le système actuel de radio-protection recommandé par l'ICRP n'attire pas suffisamment l'attention sur les risques d'atteinte à la santé autres que des cancers chez les personnes exposées. Ces risques pourraient être 10 fois plus élevés que ceux estimes actuellement, par l'ICRP. (Ref. 8, 9, 10)


    CONCLUSION

    Étant donne l'interêt grandissant pour les effets sur la santé de radiations ionisantes, notre association recommande que les limites d'exposition soient abaissées pour faire face au risque serieusement accru du cancer. II est clair que nos recommandations se trouvent du c6té du respect de la santé des travailleurs et de leur famille. L'exposition radioactive, à la fois pour les travailleurs et pour le public, doit être régie par le principe de ALATA (aussi bas que la technique le permet), plutôt que par le principe ALARA (aussi raisonnable que "raisonnable"), qui protège surtout ceux qui sont le plus à risque. (Ref. 1 )

    Si la protection ne peut être garantie ou si elle n'est pas économiquement réalisable, alors le développement de l'énergie nucléaire doit être rémis à plus tard au Canada. La question de l'emploi dans les industries nucléaires peut se résoudre partiellement à moyen terme, puisque l'énorme problème des déchets nucléaires et de leur gestion demeure et que la tâche difficile de défaire les centrales nucléaires fournira du travail pour les années, voire les siècles à venir.

    Jusqu'à présent, notre association a recommande que l'CCEA inclue des représentants du public et des travailleurs au Conseil de réglementation et que la représentativité se fasse selon la nombre de membres. Le principe de "pas de radiations sans représentativité" doit equilibrer la discussion et clarifier le débat sur la santé et la securite des travailleurs. C'est selon nous, de cette façon qu'une véritable analyse coût-bénéfice peut être faite, avec ceux qui font face au problème de la santé et de la sécurite des travailleurs dans l'industrie nucléaire. Nous pensons en effet, qu'il serait intéressant de faire une analyse de risques-bénéfices, qui inclurait le scénario d'un accident, dans les centrales nucléaires qui fabriquent le réacteur CANDU au Canada. Un accident dans ces centrales est à peu près le pire accident du genre qui pourrait survenir au Canada.



    SECTION III -- LE MONDE


    Section 3.1

    Étude de l'incidence des cancers
    en périphérie des centrales nucléaires

    Pour essayer de cerner le risque pour la santé que posent les centrales nucléaires à la population environnante, il est

    • inadéquat de faire des extrapolations à partir des événements de Hiroshima-Nagasaki, il y a près de 50 ans, ou

    • hasardeux de le faire à partir d'expériences d'animaux de laboratoires.

    Nous avons donc decidé à partir du rapport BEIR-V et d'un Med-line de relever les études épidémiologiquement acceptable des 10 dernières années. Six études se degagent par leur ampleur et leur rigueur scientifique. De façon schématique,

    • 2 d'entre-elles nient tout risque pour la santé,

    • 2 autres concluent aussi à l'absence en première analyse d'un lien mais insistent sur les nombreuses incertitudes qui persistent, et

    • 2 autres concluent à un risque certain.


    Dans le premier groupe;

      mentionnons tout d'abord l'étude de James Enstrom "Cancer Mortality Patterns around the San Onofre Nuclear Power Plant, 1960-1978" (1983) qui a analysé les taux de leucémies, cancer du poumon et tous cancers confondus dans differentes régions de Californie et qui n'a pas relevé d'augmentation de cancers dans la périphérie de la dite centrale.

      Une autre étude de Grump et al., "Cancer incidence patterns in the Denver Metropolitan area in relation to the Rocky Flats Plant" (1987) a conclu que les résultats préliminaires de 1969 qui croyaient à une augmentation des cancers en périphérie de cette centrale d'enrichissement de plutonium étaient plutôt dûs à la proximité de la ville de Denver, une grande ville amenant nécessairement une concentration plus grande de différents types de cancers pour différents raisons.


    Dans le second groupe;

      L'étude de J. A. Baron "Cancer mortality in small areas around nuclear facilities in Engand and Wales" (1984), qui mesure les changements des taux de mortalités avant et après la construction de 14 centrales nucléaires conlût qu'il ne semble pas y avoir de modification significative de façon générale. Mais que dans la région de Trawsfynydd, il y a une croissance statistiquement significative des cancers de l'uterus et des leucémies. D'autres part, qu'il y a une tendance statistiquement significative à l'augmentation de tous les cancers autour de cette ville, de Springfields, Capenhurst et Harwell. Ce qui est extrêmement préoccupant selon les auteurs est que ces centrales déversent des effluents liquides dans l'eau douce environnante, et à des concentrations radioactives acceptables selon les normes actuelles. Les auteurs insistent sur la nécessité absolue d'observer de très près ces taux avant de conclure quoi que ce soit.

      Dans le même ordre d'idées, la très impressionnante étude du "Office of Population Censuses and Surveys" de Grande Bretagne: "Cancer Incidence and Mortality in the Vicinity of Nuclear Installations, England and Wales, 1959-80" arrive à la conclusion qu'il n'y a pas d'augmentation générale de l'incidence des cancers mais que certains d'entre eux sont nettement plus présents:

        chez les 0-24 ans;
          la leucémie lymphoide et
          les neoplasies cérebrales;

        chez les 25-74 ans,
          la maladie de Hodgkin,
          le myelone multiple,
          le cancer du poumon et
          le cancer du foie.

      Selon les auteurs, il est nécessaire d'investiguer ces associations possibles.


    Dans le dernier groupe;
      L'étude de Roman & all. "Childhood leukaemia in the West Berkshire and Basingstoke and North Hampshire District Health Authorities in relation to nuclear establishments in the vicinity" (1987), établit hors de tout doute la très nette augmentation de cette maladie chez les 0-14 ans et de façon plus spécifique chez les 0-4 ans (p < 0,001) dans la pèriphèrie des centrales, dans la pèriode de 1972-85. De façon intéressante, cette étude s'est penchée sur l'effet de la proximité de grandes villes comme variable confondante et a eliminée complètement sa possible influence.

      L'année suivante (1988), Openshaw et all. ont publié leur première communication: "Investigation of leukaemia clusters by use of a geographical analysis machine" qui dèmontre les clusters de leucémies autour de Seascale (Cumbria) Tynesie, Sedbergh (Cumbria), Whittingham, et South Manchester. Cependant une relation cause à effet n'en dècoule pas puisqu'à Tyneside, il n'y a pas de centrale nucléaire en-deça de 50 km. Cependant des études plus poussées s'imposent.

    Ce relevé de la litterature nous montre l'état actuel, précis de nos connaissances et incertitudes. En tant que médecins, il nous semble primordial de continuer à analyser la situation dans le monde. Cependant d'ici à l'obtention des certitudes, il ne nous semble pas éthique de poursuivre la "filière nucléaire" au Québec, si le besoin de cette source d'énergie n'est pas demontré.


    Références

    1. Select Committee on Ontario Hydro Affairs (1980). The Safety of Ontario's Nuclear Reactors. Final Report, June 1980. Toronto: Ontario Legislature.

    2. UNSCEAR. Sources and Effects of Ionizing Radiation. Report to the UN General Assesmbly. [UNSCEAR = UN Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation] New-York: United Nations, 1977.

    3. BCMA. The Health Dangers of Uranium Mining and Juridictional Questions. [BCMA = British Columbia Medical Association] Report by Eric Young, M.D., and Robert Woollard, M.D. Vancouver: B.C. Medical Association.

    4. BEIR-V. The Effects on Populations of Exposure to Low Levels of Ionizing Radiation. [BEIR-V = Fifth Committee on the Biological Effects of Ionizing Radiation] Report of the U.S. National Academy of Sciences, Edward Radford, Chairman. Washington, D.C.: National Academy Press.

    5. Thomas/McNeill Report. Risk Estimates for Exposure to Alpha Emitters. Report to the AECB by D.C. Thomas, Ph.D., and K.C. McNeill, Ph.D. AECB Code INFO-0081. Ottawa: Atomic Energy Control Board (July 1982).

    6. CCNR. Estimating Lung Cancers; or, It's Perfectly Safe, but Don't Breathe Too Deeply. [CCNR = Canadian Coialition for Nuclear Responsibility = Regroupement pour la surveillance du nuclé,aire] Summary of testimony to the Elliot Lake Environmental Assessment Panel. Gordon Edwards, Ph.D. Montreal: CCNR (August 1985)

    7. Hanford Study. Radiation Exposure of Hanford Workers Dying from Cancer and Other Causes. T. Mancuso, Ph.D., A. Stewart, M.D., et G. Kneale, Ph.D. Health Physics, vol. 33, 369-385 (1977).

    8. No Immediate Danger? Prognosis for a Radioactive Earth. Rosalie Bertell, Ph.D. Toronto: Women's Education Press (1985).

    9. Radiation and Human Health. A comprehensive investigation of the evidence relating low level radiation to cancer and other diseases. John W. Gofman, Ph.D., M.D. Dierre Club Books (1981).

    10. Politics of Cancer. Samuel S. Epstein. Anchor Books, Doubleday (1978).

    11. Radiation Alert. David I. Poch. Doubleday Canada Ltd. (1985)

    12. Results of case control study of leukaemia and lymphoma among young people near Sellafield Nuclear Plant in West Cumbria. M. Gardner, M.D., and others. British Medical Journal, v.300. (Feb 1990).


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